Sélectionnée pour participer à la formation The Daring Way™ de Brené Brown au Texas, j’ai lu tous ses livres afin de m’y préparer. Voici quelques trouvailles savoureuses – ou pistes de réflexion – également liées à mon activité professionnelle.
DÉPASSER LA HONTE: COMMENT PASSER DE « QUE VONT PENSER LES GENS? » À « JE SUIS BIEN COMME JE SUIS » (Brené Brown, 2007)
L’avion, les hurlements, la clé
Cela faisait plus d’une semaine que je me réjouissais d’être dans l’avion pour avancer dans ma lecture. J’y suis enfin.
Deux rangées devant moi, un couple de parents avec trois enfants surexcités. La maman crie contre sa progéniture d’une manière assez excessive, au point où ça en devient physiquement douloureux pour moi (comme pour les dizaines de passagers autour, j’imagine). Le tout petit se met à hurler (pas à pleurer, à hurler de tous ses poumons) et cela dure… tout le vol. Je n’exagère pas: tout – le – vol.
Deux jours plus tard, lundi en fin de journée, je prends l’avion du retour en me disant qu’un lundi soir, tout devrait être calme. Et qui voilà? La même famille. Les mêmes beuglements – ceux de la mère et ceux du petit. Qui, à nouveau, donc, hurle sans discontinuer du décollage à l’atterrissage. A peine croyable. Tout le monde autour soupire, se retourne, s’agite, cherche désespérément quoi faire pour que ça cesse. En vain. Le personnel de bord n’a-t-il pas une sorte de gaz soporifique (inoffensif) pour ce genre de cas extrême? Un sas avec isolation acoustique? Une quelconque recette miracle que leur expérience leur aurait apprise?
Je me demande alors moi aussi comment je peux m’y prendre pour vivre cette épreuve autrement qu’en la subissant. Le lien avec ma lecture sur la honte, en temps réel, est d’une évidence crasse.
Bien. Je cherche à me mettre à la place des parents, avec leurs trois tornades et leur très probable certitude (justifiée) qu’ils vont passer un sale moment face à ce public involontaire (dans tous les sens du terme): « Bonjour la honte! ». Bien que les menaces que la mère profère contre sa progéniture en gueulant littéralement comme si elle était seule à bord et sa manière d’abuser de chantage affectif me glacent le sang, je n’aimerais pas du tout être à sa place, il faut le dire. Quel double, triple, quadruple challenge pourri, quand on y pense.
Je me mets à rêver d’aller lui donner la carte de visite de mon amie d’enfance assistante sociale et coach* redoutablement efficace (comme dans une pub américaine, avec le sourire qui claque, le halo divin, le ralenti et la petite musique émotionnelle) pour qu’elle les aide à trouver l’harmonie, en commençant par leur apprendre à utiliser la Communication NonViolente, par exemple. Mais comment amener la chose sans passer pour une détestable « madame-je-sais-tout »? Trop délicat.
Je décide alors de vivre avec eux la situation en prenant tous les partis à la fois (ceux des parents, des enfants, des autres passagers, le mien – je suis une usine à jugements qui sais pertinemment que cela ne changera pas: autant les prendre tous à la fois pour essayer d’en faire quelque chose de bien). Comment? En devenant curieuse des dialogues et des interactions depuis chaque personnage, tour à tour.
Un franc rire me secoue la carcasse. Quelle situation inextricable pour tout le monde, sans exception! Et comme chacun s’y prend pour ajouter des litres d’huile sur le feu tellement la tension générale devient insupportable!
Atterrissage. Les passagers se bousculent pour sortir en faisant des commentaires acerbes à voix haute, tout en évitant soigneusement de s’adresser directement à la famille. Moche. Je laisse tout le monde fuir et rassemble tranquillement mes affaires, au même rythme que les parents qui échangent des commentaires indignés sur les commentaires indignés qu’on leur a indirectement adressés. Mon regard croise celui de la maman et là, sans que je l’aie prémédité, je la regarde au fond des yeux puis… lui fais un grand sourire. Un sourire sincère, s’entend. Je ne sais même pas pour quelle raison. Nous étions littéralement à bord non pas du même bateau, mais du même avion. Voilà tout.
Je suis donc sortie de ce vol avec le sourire plutôt que dans un éprouvant état de nervosité. Quelle joie! Alors, c’est vraiment possible?
Ce que je retire de ma lecture
Ce livre, je l’espère, va un jour rejoindre la liste des lectures obligatoires à l’école publique partout sur la planète où va le Wi-Fi (et, avec les lui, son cortège de stéréotypes et de cultures sociales dévastatrices).
Cet ouvrage vient de changer à tout jamais ma vie, dans le sens qu’il permet de conceptualiser et de vulgariser une émotion aussi répandue qu’ignorée. Aussi destructrice qu’invisible. La prise de conscience est choquante. J’avais déjà mis le doigt sur cette immonde émotion il y a quelques années, suite à quoi j’avais décidé de tout mettre en oeuvre pour m’en débarrasser (c’est-à-dire apprendre à la reconnaître pour pouvoir immédiatement la « traiter » lorsqu’elle se déclenche). Mais je n’en avais attrapé qu’une minuscule patte, un peu comme pour une tique. C’est comme soulever ou retourner chaque ‘chose humaine’ et réaliser que dernière chacune ou presque, se dissimule la honte.
J’ai une admiration – et une reconnaissance – sans borne pour la capacité de Brené Brown a transformer l’insaisissable en pareilles évidences. Tout devient toujours limpide après une explication claire et factuelle: encore faut-il être capable de l’énoncer!
Sur 285 pages de lecture, j’ai souligné un ou plusieurs passages par page. Comment choisir lequel ou lesquels partager avec vous? J’ouvre mon livre au hasard:
« L’un des bénéfices les plus importants dans le fait de se rapprocher des autres est d’apprendre que les expériences qui nous font sentir les plus seul-e-s sont en réalité des expériences universelles. »
Jolie pioche. Je crois dur comme fer que le partage de ressentis et d’expériences, pourvu qu’il soit accueilli de manière empathique, a un pouvoir de guérison phénoménal. Mais il y a un mais: à aujourd’hui, je ne connais que quelques rares personnes, coachs ou thérapeutes compris (et j’en ai vu un certain nombre…), qui sachent « être dans l’empathie ». Car c’est un sacré apprentissage qui, contrairement aux idées reçues, n’est pas inné. Cela s’entraîne, comme le font les sportifs de haut niveau. Pas juste 3 fois l’an pour la bonne conscience: comme on se prépare pour aller escalader le Mont-Blanc, voire l’Himalaya.
J’ai commencé cet entraînement depuis suffisamment longtemps pour me sentir dans un grand décalage avec le monde qui m’entoure – ce qui est difficile pour moi au quotidien, j’avoue – et en même temps depuis trop peu de temps pour avoir la moindre impression d’avoir atteint ne serait-ce qu’un palier intermédiaire.
Ce qui illustre parfaitement les fameux niveaux d’apprentissages incontournables pour qui veut grandir et évoluer d’une part, et d’autre part l’importance capitale de, tous autant que nous sommes, chacun à notre rythme et à notre manière, nous mettre sur le chemin de l’empathie (et de l’auto-empathie!).
Ma compréhension de la honte est qu’il s’agit d’un sentiment qui apparaît dès l’enfance quand un adulte envoie consciemment ou inconsciemment le message qu’un comportement issu d’un élan de vie n’est pas acceptable. Que si ce comportement a lieu, l’enfant sera exclu du groupe. La honte force l’enfant à faire comme le groupe le demande pour qu’il puisse en faire partie. Au niveau des câblages dans le cerveau, l’enfant a besoin jusqu’à l’âge de 5 ans de faire partie d’un groupe/d’une tribu pour survivre. Être exclu du groupe signifie sa mort. La honte va prendre racine dans quelque chose de très puissant. En résumé, si tu ne fais pas comme les autres attendent que tu fasses, tu vas mourir! Cette programmation liée à la honte reste parfois présente jusqu’à notre mort réelle. »
Amilcar Gomes, épatant thérapeute orienté solution (entre autres), me permet par ce précieux témoignage de prendre encore d’une autre manière la mesure de ce dont il est question lorsque nous parlons de honte: oui, il s’agit bel et bien d’une question de vie ou de mort (sur le plan social, affectif ou psychologique – voire au sens propre).
Brené Brown, quant à elle, commence et termine son livre en invoquant la connexion:
Nous sommes câblés pour nous connecter. C’est dans notre nature biologique. En tant qu’enfant, notre besoin de connexion est une question de survie. Tandis que nous grandissons, de la connexion dépend notre épanouissement – émotionnellement, physiquement, spirituellement et intellectuellement. La connexion est fondamentale en ce sens que nous avons tous le besoin essentiel de nous sentir acceptés et de croire que nous ‘faisons partie’, que nous avons de la valeur pour ce que nous sommes. Bien qu’il paraisse excessivement optimiste de penser que nous pouvons créer une culture de connexion simplement en faisant des choix différents, je crois que c’est possible. Changer ne veut pas dire être héroïques. Le changement commence lorsque nous pratiquons le courage ordinaire.«
Ce sujet vous parle? Vous aimeriez amener de la clarté dans vos questions sensibles ou délicates? Je vous accompagne volontiers dans cette démarche importante, à distance ou à mon cabinet de Nyon, Suisse.